Minée par les amnisties fiscales italiennes et la mort du secret bancaire, la troisième place financière suisse entend se relever avec les technologies financières
Jeune, dynamique et possédant un grand potentiel pour couvrir l’ensemble du panorama des fintechs. En substance, c’est ainsi qu’apparaît le canton du sud des Alpes selon l’étude Fintech: évolution et opportunités pour le Tessin, menée par le Centre d’études bancaires sur mandat du Département des finances et de l’Association bancaire tessinoise (ABT), dévoilée mardi devant près de cinq cents personnes, au Palais des congrès de Lugano.
Les auteurs voient un grand potentiel pour le canton notamment dans les financial structures, la distributed ledger technology (registres distribués) et les analytics. Le Tessin mise sur le virage technologique d’autant plus que sa place financière s’est contractée ces dernières années. Le maire de Lugano, Marco Borradori, relève que les 55 millions de francs d’entrées fiscales liées au secteur d’il y a dix ans sont récemment passés à onze.
Des institutions de premier plan
Le Tessin compterait plusieurs cordes à son arc en matière de fintechs. Outre une quarantaine d’entreprises – surtout de jeunes PME – il possède des institutions de premier plan: l’Institut Dalle Molle de recherche en intelligence artificielle (IDSIA), le Centre suisse de calcul scientifique, le Département des technologies innovantes de la HES de la Suisse italienne (SUPSI) et une faculté universitaire de sciences informatiques. L’Université de la Suisse italienne est par ailleurs la seule du pays à offrir un master en fintech.
Ce n’est pas un hasard si UBS a choisi d’implanter au Tessin son centre de développement d’intelligence artificielle qui emploiera quelque 80 personnes, souligne Alberto Petruzzella, président de l’ABT. «C’est parce que l’IDSIA est à l’avant-garde à l’échelle mondiale. Nous ferons en sorte qu’autour de cette initiative, d’autres se développent. Nous disposons d’un écosystème idéal pour faire coopérer les entreprises et les académiques.»
Mutation radicale du secteur bancaire
Le canton est au tout début d’un long processus qui à moyen terme, changera de façon radicale le secteur bancaire, avance-t-il. «Chaque banque est d’ores et déjà appelée à repenser sa stratégie et à la décliner au niveau technologique.» Comment le canton entend-il se mesurer à Zurich, Zoug ou Genève? Alberto Petruzzella estime que dans ce secteur, la concurrence est globale. «En Suisse, nous devons collaborer. Ensemble, nous avons tout pour percer.» Un point de vue que partage Christian Vitta, directeur du Département des finances. «Grâce à AlpTransit, les liaisons sont facilitées avec le nord des Alpes avec lequel nous envisageons une collaboration-compétition.»
L’objectif du Tessin est de créer un cluster où les entreprises intéressées dans les fintechs peuvent investir, indique-t-il. «Le canton investit d’ailleurs beaucoup dans les start-up, souvent liées aux fintechs.» Il ajoute que le parlement cantonal votera en avril une réforme qui défiscaliserait les investissements dans les start-up.
La proximité de l’Italie du nord, où il y a de grandes compétences, représente un atout supplémentaire, soutient-il. Les entreprises de fintech ne représentent-elles pas une menace pour les opérateurs financiers, traditionnels intermédiaires? «La transition numérique est une tendance globale qui bouscule le secteur bancaire partout. Ou on la subit ou on choisit d’exploiter les opportunités qu’elle offre.»
Le Temps (21 marzo 2018)